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Un jour, deux frères, l’aîné Kpélu et le plus jeune Péka, décidèrent d’aller chercher du travail dans un pays voisin. Dans ce pays, on cultivait beaucoup de courges surtout pour la fabrication des calebasses. Ainsi, furent-ils engagés pour la récolte des courges.

            A la fin de la saison, Péka fit part a son frère aîné de son intention de ramener chez eux, quelques graines de courges pour les semer dans leur champ. Celui-ci refusa et interdit à son cadet de réaliser son projet car, dit-il, « on n’emporte pas les graines de courges d’un pays pour les seme dans un autre pays. Ça porte malheur ». Mais Péka, têtu comme une mule, se moqua discrètement de son frère et fit fi de ses conseils. Il cacha donc quelques graines de courge sous ses ongles.

            Le lendemain de leur retour au pays, Péka alla semer les graines dans son champ et quelques jours plus tard, il alla voir si la semence avait poussé. Ce fut avec surprise qu’il constata que les graines avaient germé et que les jeunes plants grandissaient déjà. Content, il poussa un cri de joie : « Ah ! Mes plants on poussé. Quelle veine ! » Et comme par enchantement, les jeunes plants rétorquèrent : « Ah ! Notre ami a poussé. Quelle chance ! »

            Cette réponse inattendue ne surprit guère Péka. Entêté qu’il était, il ne prit pas cela au sérieux et repartit tout fier. Des semaines passèrent. Un jour, il revint dans le champ pour voir l’évolution des jeunes pousses. Il les trouva  déjà porteuse de fleurs ! Il se mit à danser en chantant : « Ah ! Mes courges ont fleuri, j’aurai bientôt des calebasses que je vendrai au marché. Des courges venues de loin, de très loin de mon pays… »

Dès qu’il se tut, les plants de courge, se mirent aussi à chanter en chœur, « notre ami a fleuri, il porte des fleurs rouges, des fleurs rouges sang. Notre imprudent ami est bientôt mûr, bien mûr pour nous… » Et toujours obstiné, il ne réagit pas et répartit en fredonnant le même air avec l’espoir de faire une bonne récolte.

            Un mois plus tard, Péka revit trouver toutes ses courges mûres, pour s’en assurer, il cogna du doigt la plus grosse baie et s’exclama : « qu’elles sont mûres, ces courges » Comme pour répondre à sa témérité, elle lui sauta à la figure En colère, Péka retourna à la maison et revit avec une hache, décidé à récolter les courges. La première qu’il coupa, la plus grosse de toute, lui sauta de nouveau à la figure. Puis, elle se mit à poursuivre Pèka qui, pris de peur, avait jeté la hache et pris ses jambes à son cou. Dans sa folle course, il rencontra la biche et implora sa protection. En ce temps-là, les animaux et les hommes cohabitaient et se comprenaient. Mais la biche mesurant l’ampleur du danger qu’elle courait si elle acceptait de protéger Péka, détala sans demander ses restes.  Le pauvre Péka reprit sa course, toujours poursuivi par la grosse baie. Tous les animaux qu’il rencontra sur son chemin à savoir, panthère, lion, hippopotame, sanglier, éléphant, etc refusèrent de l’aider. Puis il arriva à un petit, vraiment très insignifiant oiseau appelé Kréku. Ce petit oiseau après l’avoir écouté, accepta de le protéger. Il le fit entrer sous lui et le recouvrit de ses ailes. Mais la courge n’était pas dupe. Elle avait aperçu les pieds de Péka qui était trop grand pour être entièrement caché par ce petit oiseau.

            C’est ainsi qu’elle se leva très haut dans le ciel afin que, dans sa chute, elle pût écraser et l’oiseau et son protégé. Mais, c’était sans compter avec l’habilité de lieu en lieu à des secondes près, sautilla avec la rapidité qu’on lui connaît, emportant Péka qui lui tenait solidement les ailes au moment même où la courge allait les écraser. Cette dernière n’eut pas le temps d’arrêter sa chute et s’écrasa lourdement sur le sol juste à l’endroit où se trouvaient Péka et son oiseau protecteur quelques secondes plus tôt. « Ouf », fit Péka. Et sans plus se soucier de Krèku quui l’avait sauvé, il se mit à ramasser les morceaux de calebasses éparpillés qu’il recousut minutieusement.

            Il n’en donna point                                                                                                  

A l’oiseau et alla les troquer contre du mil au marché, tandis que Kréku oublié, s’en alla de son côté, l’air songeur. Il pensait, réfléchissait mais ne trouva pas d’explication possible au comportement de Péka a son égard. Soudain, il s’arrêta et s’exclama : « Ah ! Péka a vouluu être plus malin que moi.  Je vais lui prouver le contraire. » Puis il vola jusqu’à un palmier portant des régimes de noisettes mûres. Il piqua à plusieurs reprises dans le régime de façon à avoir de l’huile rouge sur le bec et alla ensuite se mettre en travers du chemin et fit le mort. Alors, arriva Péka chargé de son sac de mil. Il vit Kréku mort et s’en réjouit.  « Ah ! Que Dieu est bon. Il m’a donné du mil et il me donne de la viande ». il déchargea son sac, l’ouvrit, ramassa l’oiseau inerte, l’y introduisit et reprit le chemin de la maison tout en sifflotant : « Kréku mort, ce n’est pas moi qui l’ai tué. Je peux m’en régaler ».

            Une fois dans le sac, l’oiseau ouvrit les yeux et picora rageusement le mil tout en y appela sa femme et ses trois enfants pour leur faire une surprise. Au moment où il ouvrit le sac pour leur montrer ce qu’il leur ramenait, l’oiseau s’envola et se posa sur une poudre du toit. Péka ordonna qu’on fermât portes et fenêtres. Puis, vérifiant le contenu du sac, il constata ave amertume que la quantité du mil avait considérablement diminué et que le resté était souillé de fiente.

            Courroucé, il prit un gourdin pour tuer l’oiseau. Celui-ci quitta la poutre pour se poser sur la tête de l’aîné des enfants. Péka abattit le gourdin sur le crâne du malheureux enfant qui s’écroula. L’oiseau sauta sur la tête du second. Péka répéta son geste et assomma son deuxième fils. Kréku se posa sur la tête du troisième et de cette manière Péka, qui n’entendait plus la voix de la raison, assomma successivement ses trois enfants et sa femme.

            Poursuivant plus loin l’audace, l’oiseau se posa sur la tête de Péka lui-même. Fou de rage et déterminé à en finir à tout prix avec ce satané animal, il cogna violemment sa tête contre le mur. Le choc fut brutal, si brutal que Péka tomba dans les pommes. L’oiseau Kéku s’envola hors de la demeure de celui à qui il avait sauvé la vie et qui, en retour, voulut le tuer et s’en retourna dans la brousse lointaine

Moralité : il ne faut jamais rendre le bien par le mal. Quand votre ami vous rase avec une lame, il faut éviter de le raser par un tesson de bouteille en retour.