
Il était une fois un Roi appelé ESO NETETU. Il avait une centaine de femmes. Sa puissance, son autorité et son intransigeance devant ses administrés firent de lui un roi réputé dont la célébrité dépassait les frontières de son territoire. Il était à la fois haï et craint aussi bien par ses administrés que par les chefs des villages environnants de son royaume dont il arrachait les épouses. Un jour, il rassembla toutes ses femmes et leur demanda ne lui faire que des garçons. Ce qui surprit ces dernières qui répondirent que tout dépendait de Dieu et de lui seul. Et qu’elles étaient prêtes à lui donner des garçons si Dieu le voulait ainsi.
Un an plus tard, toutes les femmes donnèrent naissance à des garçons sauf, la malaimée du roi et de ses autres épouses, reconnue sous le nom de Halasiba. Celle-ci avait accouché donc d’une fille. Informé de la situation, le roi ordonna à sa garde de renvoyer Halasiba e la maison et de jeter son bébé aux fourmis. L’ordre du roi fut exécuté. Quelques instants après que l’enfant fut livré aux fourmis, une vielle femme qui revenait du champ et qui passait à coté de la fourmilière, entendit les pleurs et les cris du nouveau-né. Elle s’arrêta et essaya de voir ce qui se passait. Elle trouva l’enfant couvert de fourmis. Elle jeta loin son fagot de bois et ramassa avec précaution la fillette qu’elle enveloppa dans les feuilles d’arbres et l’emporta chez elle. Ayant appris que le roi n’aimait plus voir de fillettes sur son territoire, la vieille femme éleva le bébé dans une véritable clandestinité. Elle lui donna le nom Ayekinam. Ayekinam grandit et à quinze ans, devint une créature adorable d’une beauté incomparable.
Un jour, elle fit une escapade bien que la vieille lui eût interdit de mettre pieds hors de la concession. Lorsqu’elle revenait à la maison, elle tomba sur un groupe de jeunes travailleurs. Il s’agissait des fils du roi qui sarclaient un champ. Ils arrêtèrent de travailler pour l’admirer. Elle se savait admirée. Fière, elle disparut aussitôt derrière les arbres. Ils furent émerveillés tel point qu’ils revirent à la maison dire à leur père, qu’ils avaient découvert la plus belle fille du royaume et qu’ils avaient l’intention de l’épouser. Etonné d’entendre qu’il existait une telle personne, le roi ordonna à ses gardes de la lui dénicher. Les recherches ne furent pas longues. Les gardes retrouvèrent Ayékinam et sa vieille qu’ils conduisirent au roi. Celui-ci, en voyant venir la fille, fut frappé lui aussi par sa beauté. Il tomba immédiatement amoureux d’elle. Il les regarda pendant de longues minutes avant de crier : « Vieille femme, de qui est cette belle créature » ? Il ne lui laissa pas le temps de répondre et enchaîna : « je veux l’épouser. Gardes reconduisez la vieille chez elle et donnez-lui ce dont elle a besoin et gardez-moi la fille. Allez ! »
La vieille, morte de peur et interloquée par la décision du roi, ne put dire mot. Elle fut reconduite chez elle avec des cadeaux. Mais elle n’était pas contente. Que pouvait-elle contre cet homme tout-puissant, ESO NETETU ? Ce roi qui incarnait la puissance n’était pas une personne à affronter. Lui qui ne reculait devant aucun obstacle, qui dévorait tout sur son passage. Un véritable loup qui aimait le beau sexe, un loup égoïste, vaniteux, orgueilleux et à qui personne ne pouvait résister. Qui donc pouvait quelque chose contre lui ? La résolution que prit la vieille femme fut donc de patienter, de laisser tout à Dieu et d’attendre.
Lorsque les fils apprirent que la fille avait été retrouvée et que leur père voulait la prendre en mariage, ils se révoltèrent. Comment ce père pouvait-il, malgré le nombre de femmes qu’il avait et son âge, prétendre épouser une fille qui était normalement destinée à ses enfants ? Mais ils ne pouvaient rien contre lui. Ils se résignèrent à attendre, espérant qu’un jour, le roi changerait de décision.
Pendant deux semaines, le roi ne demanda pas à voir la fille. L’avait-il oubliée ? Etait-ce le temps qui lui manquait ou réfléchissait-il au problème ? Personne ne le sut jusqu’au jour où il fit rassembler toutes ses femmes pour leur dire officiellement son intention de prendre une dernière femme. Celles-ci, très jalouses, demandèrent que le chef leur présentât leur rivale sur-le-champ.
« Ah ! non, vous ne la verrez que le jour de notre mariage » répondit-il. Puis, il ajouta : « aucune d’entre vous ne doit espérer la rivaliser en beauté et gare à celle qui voudrait lui faire du mal ».
Les préparatifs du mariage commencèrent. Le roi invita tous les chefs des territoires de son royaume, leurs épouses et enfants. Les femmes du roi firent une très belle toilette. Elles mirent leurs robes de grands jours et les bijoux de dernier cri ! Les fils, de leur côté, voulant rivaliser leur père, avait invité la vielle d’Ayékinam.
La fête avait commencé depuis. La bière locale coulait à flots. L’ambiance était de très haut niveau. Soudain, le roi imposa le silence. Les gardes annoncèrent l’apparition de la fiancée du roi. Puis, un cheval blanc apparut en effet, au milieu de la foule avec la fiancée toute voilée.
Des applaudissements fusèrent de tous côtés. Très fier de lui, le roi ordonna qu’on enlevât le voile. Cela lui permettrait ainsi de faire des jaloux et de montrer une fois de plus sa puissance. Le voile tomba. Et tout le monde resta figé.
En effet, un spectacle inouï s’offrait à toute l’assistance. Un silence de mort régnait. Immobile et comme hypnotisée, le regard rivé vers le cheval blanc lui aussi immobile, la foule ne comprenait rien. Deux femmes se trouvaient assises sur cette monture spéciale qui était réservée à la fiancée du roi !
Cette dernière était là, en effet mais en compagnie de sa mère que tous les convives avaient reconnu comme l’épouse du roi qui avait été répudiée pour avoir commis le crime d’accoucher d’une fille. Cette malheureuse épouse, Halasiba était là, en chair et en os sur le cheval blanc du roi. Le roi le savait aussi. Et il devint tout penaud, confondu.
Comment était-ce possible ? Dieu sait faire la part des choses. En effet, la véritable mère d’Ayekinam, après avoir attendu trois ans dans l’espoir d’être rappelée par son époux le roi, avait fini par se remarier avec le coursier d’un chef de village du royaume et vivait presque dans la clandestinité. Elle avait, du coup, perdu espoir de revoir sa fille depuis longtemps mangée sans doute par les fourmis.
Mais, quelle ne fut sa surprise lorsqu’elle apprit que le roi allait se remarier avec une jeune fille d’une quinzaine d’années ! Un miracle allait-il se réaliser ? Halasiba se souvenait très bien qu’elle fût la seule dans la contrée à avoir accouché d’une fille il y a quinze ans. Il y avait de forte chance qu’il s’agisse de sa fille à elle. Mordue par une violente curiosité, elle entreprit des enquêtes autour de cette affaire de noces du roi. Comme le hasard fait quelquefois bien les choses, elle tomba sur la vieille dame qui avait sauvé, puis élevé sa fille. Elles se contèrent, tour à tour, leurs aventures respectives.
Rassurée qu’il s’agissait bien de pauvre fille qui avait été jetée aux fourmis par le même roi, Halasiba implora le concours de la vieille femme afin d’empêcher ce mariage incestueux. Elle utilisa donc les relations qu’elle avait tissées à la cour du roi depuis que sa protégée lui avait été arrachée par celui-ci.
Elle alla voir le conseiller du roi, lui expliqua tout le problème et sollicita son aide. Ce dernier, qui nourrissait déjà une haine contre son insupportable roi, profita donc de l’occasion. Homme de confiance du royaume, le conseiller n’eut pas de mal à se trouver des complices parmi les gardes du roi. Ce fut ainsi qu’il parvint à introduire discrètement Halasiba dans la chambre de sa fille. Le plan, qu’il arrêta était de démontrer devant le grand public que la fiancée du roi n’était autre que sa propre fille qu’il avait fait jeter aux fourmis et cela, par vanité.
Le moment de présenter la fiancée venu, il fit introduire au milieu de la cour, en présence de tous les invités, le cheval blanc avec deux cavalières : la mère et la fiancée du roi, c’est-à-dire, l’ex-épouse du roi et sa fille.
Plus de deux minutes s’étaient écoulées depuis que le voile était tombé. Puis, bravant la situation, le roi ESO NETETU cria à l’adresse du cheval, de sa cour, de ses gardes : « quelle sale comédie, bande de c… » ; Mais personne ne réagit. Il descendit de son trône et s’avança vers ses sujets un fouet à la main, gesticulant, et tout le monde éclata de rire lui aussi. Puisqu’il ne pouvait pleurer. Il était ridicule.
Halasiba descendit du cheval, empoigna sa fille et se dirigea vers la vieille femme qui se leva et alla à leur rencontre. Toutes les trois femmes saluèrent de la main la foule qui se mit subitement à applaudir. Elles disparurent de la cour… laissant le vaniteux roi et ses convives.
Moralité : l’homme ne doit pas exiger d’autrui ce qu’il n’est pas lui-même en mesure de faire, et la force de l’homme n’est rien face à la volonté divine.
One thought on “Ayekinam et le vaniteux roi (Traditional folktale, Kabya)”
Comments are closed.
Cette histoire est une leçon montrant que la violence et la force ne garantissent pas un pouvoir éternel.
Le véritable pouvoir réside dans la sagesse, la justice et le respect des autres.