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il y avait dans les temps immémoriaux un village où, les hommes et les animaux se côtoyaient et se comprenaient. De façon inattendue, le vent cessa de souffler au village. Des jours passèrent sans  le moindre souffle de vent. Les sages, voyant là un phénomène inhabituel, procédèrent aux sacrifices religieux, aux rites coutumiers afin d’obtenir la grâce divine. Le vent devait souffler sinon, tout le village mourrait. Dans tous les foyers, c’était la consternation. Nul ne pouvait vanner ou son mil ou son sorgho ou son riz. 

            Des semaines, des mois s’étaient écoulés. Les réserves du grain vanné étaient épuisées. Tous les sacrifices sanglants n’avaient rien donné et la situation restait inchangée. Pourtant, le vent se trouvait quelque part et il fallait le retrouver.

            Le chef du village convoqua tous les animaux de la brousse. Une fois rassemblés, le chef du village leur imposa le silence et dit : « mes chers amis, les hommes se trouvent dans une situation très grave. Le vent a fui les maisons et la ménagère ne peut plus vanner les céréales. Les réserves sont finies et depuis trois jours les hommes ne mangent pas, ne boivent pas du ‘’solum’’. Toutes les recherches sont restées vaines. C’est pourquoi, au nom de notre amitié, nous sollicitons votre concours. Celui qui parviendra à nous ramener le vent sera récompensé. Il aura ce qu’il voudra. »

            Là-dessus, le roi de la brousse, seigneur l’éléphant, prit la parole au nom de ses compères en ces termes : Roi des hommes, nous avons compris votre appel. Nous vous aiderons à retrouver le vent comptez sur nous, sur notre force. Ainsi, de gros animaux tels le Buffle, la Panthère, le Lion, la Girafe, le Léopard, l’Hippopotame précédés de l’Eléphant, partirent à la recherche du vent.

            Quelques heures après leur départ, s’amena le Caméléon. Il demanda à voir le chef. Celui-ci, très préoccupé par la situation, refusa de le recevoir. Mais, le Caméléon insista et le chef le reçut. Il expliqua au chef qu’il venait d’apprendre qu’il y a eu un appel et qu’il voudrait en savoir l’objet. Celui-ci lui expliqua, tout de même, le problème mais en restant sceptique à ce que pourrait faire cet animal, faible et qui, de surcroit, était venu en retard après l’Eléphant, l’Hippopotame, le Buffles, etc.

            Conscient de son incapacité physique, le Caméléon partit en brousse comme les autres et alla s’asseoir à l’ombre de l’arbre appelé ‘’Wédé’’ cet arbre était la demeure du vent. Mais, il ne le savait guère. Il vit alors arriver l’Eléphant, l’Hippopotame le Buffle et les autres supposés les plus forts de la brousse.

            Le Caméléon, redoutant le reproche que pourraient lui faire ces seigneurs de la brousse, quitta sa place pour se cacher derrière un arbuste. Trop fiers, ces animaux se mirent à secouer avec une brutalité inouïe l’arbre ‘’Wédé’’ pour le faire tomber et attraper le vent qui s’y cachait.

            Des heures ne passèrent… rien. L’arbre n’avait pas bougé. Las et impuissants, ils renoncèrent à la manœuvre et rentrèrent au village annoncer au chef que les hommes étaient maudits et devaient disparaître à cause de leurs péchés. C’était pour cela que Dieu avait fait partir le vent. Personne ne pourrait le faire revenir, ni le plus fort des animaux, ni le plus sage des sacrificateurs du village.

            Après avoir eu la certitude que les autres animaux avaient effectivement renoncé à la recherche du vent, le caméléon sortit de sa cachette, leva les bras et regarda le ciel en disant : ‘’dieu du ciel, toi qui es le créateur de toute chose, propriétaire de la pluie, du soleil et du vent, aie pitié des hommes et des animaux, tes pauvres créatures. Donne-leur de l’eau à boire, de l’air à respirer. Donne-leur la vie.’’ Du coup, une lumière apparut provenant d’un trou béant dans le tronc de l’arbre. Le Caméléon surpris et émerveillé y entra. Toute la famille du vent était là, rassemblée. Il s’agenouilla et salua tout le monde. Arrivé auprès des parents du vent, il se prosterna à leurs pieds et leur soumit sa requête : permettre au vent de retourner au village sauver les vies humaines en danger. Sans tarder, le vent reçut l’ordre de son père et de sa mère de repartir au pays des hommes pour accomplir sa mission. Le Caméléon s’agenouilla pour la deuxième fois et les remercia de leur bienveillance.

            Le vent hissa le Caméléon sur ses ailes et le transporta jusqu’au village. Pendant ce temps, effondrés, l’Eléphant et sa suite racontèrent leur prouesse, laquelle prouesse n’avait d’ailleurs pas abouti.

            Soudain, une femme montra du doigt les feuilles des arbres qui bougeaient de très loin. ‘’Mais, le vent arrive’’, firent avec joie les hommes. Un coup de théâtre allait-il se produire ? Les visages qui tout à l’heure, étaient sombres, s’illuminèrent. Ils redevinrent tout heureux. Car, le vent arrivait en effet. Les animaux ne comprenaient plus rien. Qui donc avait pu dénicher le vent et le convaincre ? Ce n’était pas possible. Mais le miracle se produisit.

            Le vent arriva avec fracas et avec lui, le Caméléon. ‘’Le Caméléon ?’’ S’interrogèrent tous les animaux, incrédules. C’était le Caméléon en effet, qui ramenait le vent aux hommes. Celui-ci souffla si fort que les boubous des hommes ; les pagnes des femmes se gonflèrent et se soulevèrent. Les feuilles des arbres tombèrent. Tout bougeait, tout revivait. Le village explosa de joie et acclama le Caméléon. La vie reprit. Le chef du village descendit de son trône pour embrasser le Caméléon. Impensable ! Il donna ensuite l’ordre à toutes ses femmes de vanner des estagnons de mil, de riz, d’haricot pour préparer des plats et de la boisson afin de fêter l’événement.

            Homme de parole, le chef demanda au Caméléon ce qu’il voulait comme récompense. Celui-ci dit : ‘’chef, vous êtes le décideur. Je ne puis refuser ce que vous m’offrirez. Mais, si j’avais un choix à faire, je préférerais avoir des habits comme les vôtres et une partie de votre noblesse.’’

            Séance tenante, le chef lui tendit une calebasse remplie de médicament à boire. Aussitôt le médicament bu, le corps du Caméléon se mit à se transformer. Il prit successivement les couleurs des habits du chef, de ceux de ses notables et des personnes qui l’entouraient. Et très fier, le Caméléon imita la démarche posée du chef en faisant le tour de la cour sous le regard amusé du public.

            La marche lente et posée qu’on connaît de nos jours au Caméléon et fréquents changements de couleurs dont il jouit, sont les cadeaux que lui avait offerts le chef du village à qui il avait ramené le souffle, la vie l’air dont le symbole est le vent.

            Le respect d’autrui, l’humilité, payent plus que force et orgueil.

Solum:la bière traditionnelle du peuple Kabye

One thought on “hameku le caméléon et le vent (Village of Koumea)

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